La nouvelle que la maison d’édition néerlandaise Veen Bosch & Keuning (VBK) envisage d’expérimenter l’utilisation de l’intelligence artificielle pour traduire des œuvres de fiction a suscité un débat captivant. Certains considèrent cela comme le début d’une ère où les traducteurs humains pourraient devenir obsolètes, tandis que d’autres voient cela comme une opportunité d’élargir l’accès à la littérature pour un plus grand nombre de personnes. Ces opinions se font de plus en plus entendre alors que l’avance de l’IA se poursuit à une vitesse fulgurante.
Cet enjeu m’intéresse particulièrement, car mon travail explore les intersections entre l’art, l’éthique, la technologie et la culture. J’ai également publié des recherches sur les nouvelles technologies, notamment en ce qui concerne l’augmentation humaine.
Dans chaque innovation technologique, le débat tourne souvent autour de ce que nous risquons de perdre en adoptant le changement. Concernant l’IA, cela fait écho aux évolutions de l’ histoire récente de la science génétique. Cependant, lorsqu’il s’agit de culture et d’histoire humaine, il semble que quelque chose de plus fondamental que l’ADN soit en jeu.
La traduction de fiction, avec ses subtilités linguistiques et ses nuances émotionnelles, a historiquement été le domaine des traducteurs humains qualifiés. Toutefois, cette initiative d’utiliser l’IA pourrait être une première approche pour perturber ce qui est souvent considéré comme le dernier bastion de l’une des réalisations les plus remarquables – et peut-être irremplaçables – de l’humanité : la capacité d’exprimer des émotions complexes à travers les mots.
Cette initiative suscite ainsi une question essentielle : un algorithme peut-il réellement capturer les nuances qui donnent à la fiction sa profondeur, ou est-ce trop complexe pour une machine?
Il est important de défendre le point de vue humain, car la langue – particulièrement dans la littérature – ne se limite pas à des mots. Elle englobe le contexte culturel, les sous-entendus et la voix unique de l’auteur. Seul un humain capable de comprendre les deux langues et cultures pourrait traduire efficacement le cœur d’une histoire sans en altérer l’essence.
Cela dit, l’apprentissage automatique a fait d’énormes progrès dans la compréhension du langage, comme le montre la dernière version de ChatGPT, qui comprend un agent de conversation audio.
Nous semblons à un point où l’IA peut rivaliser avec la fonctionnalité humaine dans de nombreux cas d’utilisation, tels que les chatbots de service client ou un nombre toujours croissant d’outils de diagnostic de santé. En fait, l’Organisation mondiale de la santé a déjà développé et déployé un “travailleur de santé” IA utilisant une plateforme de conversation.