Les citoyens français manifestent un intérêt croissant pour les questions politiques, mais leurs émotions envers cette sphère semblent largement teintées de négativité. Ce contraste est frappant : plus de la moitié d’entre eux exprime le souhait de voir Emmanuel Macron quitter son poste, tout en cherchant à maintenir une certaine stabilité politique. Ces résultats ont été révélés par le dernier baromètre sur l’état d’esprit de la population française, confié à l’Institut Verian.
Illustration : Verian Group
Alors que l’année 2025 pointe le bout de son nez, la France est traversée par une crise politique, économique et démocratique qui perturbe le moral de ses citoyens. Ces derniers semblent de plus en plus désorientés face à un avenir incertain, oscillant entre des sentiments de honte, de colère et de désespoir. Cette ambivalence est d’autant plus saisissante qu’elle apparaît en décalage avec l’engouement pour les sujets politiques, un phénomène qui n’était pas observé depuis l’élection présidentielle de 2022.
Malgré les murmures de mécontentement, les Français ne demandent pas de réformes radicales dans le paysage politique, si ce n’est le départ d’Emmanuel Macron. C’est ce que démontre le baromètre sur l’état d’esprit des Français récemment publié, basé sur une enquête réalisée entre le 5 et le 7 janvier, soit juste après l’instauration du nouveau gouvernement conduit par François Bayrou, nommé Premier ministre le 13 décembre dernier.
Un intérêt renouvelé pour la politique
En dépit d’un climat plutôt morose, l’engagement de la population envers la politique ne cesse d’augmenter. Depuis les récents scrutins, entre 46 et 55 % de la population se déclare « beaucoup » ou « assez » intéressée par la scène politique, atteignant même un pic à 59 % lors de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron en juin 2024. Ce chiffre est révélateur d’un changement d’attitude par rapport à la période de 2021-2022, où l’intérêt se situait entre 40 et 45 %. L’année passée, entre décisions inattendues et remaniement, les esprits se sont échauffés. En janvier 2025, ce taux a légèrement fléchi à 55 %.
Un climat de ressentiment
Malgré cet intérêt accru, les émotions qui dominent parmi les Français à l’aube de 2025 sont négatives, marquées par le désespoir, qui touche 39 % de la population, une hausse notable de 10 points depuis septembre 2024. La “colère” et la “honte” touchent respectivement 38 % de la population. Il est intéressant de noter que la honte est ressentie de manière plus prononcée chez les électeurs du Rassemblement national (52 %), tandis que la colère se fait plus entendre parmi ceux du Nouveau Front Populaire (49 %). Les soutiens de la coalition présidentielle expriment une fatigue palpable à 41 %.
Ambivalences d’une opinion publique
Les exhortations à la démission d’Emmanuel Macron, émises par certaines factions de la gauche comme La France Insoumise, trouvent un écho chez les Français, qui, à 51 %, souhaitent son départ. Pourtant, lorsqu’on les interroge sur la possibilité réelle d’un tel événement, seuls 19 % jugent cette alternative réalisable, traduisant ainsi une forme de désillusion face à la capacité de changement. En revanche, l’idée d’un renversement de l’exécutif Bayrou ne suscite pas le même enthousiasme, avec 41 % contre et 36 % pour. Concernant une potentielle dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2025, 40 % des sondés la soutiennent, tandis que 38 % s’y opposent.
Récompréhension des choix politiques
Les élections législatives de juillet dernier ont engendré une Assemblée nationale fragmentée en trois pôles (extrême droite, centre-droite et gauche), rendant difficile la constitution d’une majorité stable. Sept mois après, la situation demeure floue. En cas de renversement du gouvernement de François Bayrou, les Français affichent des opinions partagées quant à l’orientation politique que devrait prendre le prochain Premier ministre. Il convient de noter qu’aucune des deux principales forces d’opposition (le Rassemblement National et le Nouveau Front Populaire) ne suscite un large consensus pour prendre cette responsabilité. Néanmoins, 39 % soutiennent un Premier ministre issu du RN, contre seulement 26 % pour un représentant du NFP.
Une France à un tournant
En ce début d’année 2025, la France est confrontée à une atmosphère incertaine et déroutante. L’intérêt croissant manifesté envers la politique témoigne d’une prise de conscience des enjeux associés aux décisions gouvernementales. Cependant, les citoyens semblent prisonniers d’un paradoxe : tout en désirant un changement, ils nourrissent des inquiétudes quant à l’instabilité que celui-ci pourrait engendrer. Une dynamique délicate que les acteurs politiques devront appréhender avec soin.
Notre point de vue
À travers cette étude, il est essentiel de reconnaître que l’intérêt pour la politique ne va pas de pair avec une satisfaction quant au fonctionnement de notre démocratie. Les citoyens expriment des préoccupations légitimes sur l’avenir du pays, et il est crucial que les représentants politiques saisissent la portée de cette inquiétude. Un dialogue constructif entre les élus et le peuple pourrait favoriser une meilleure compréhension des enjeux et détourner le climat de désespoir qui s’est installé. La volonté d’un changement doit être accueillie comme une opportunité pour repenser le cadre démocratique, et non comme une menace à la stabilité que recherchent de nombreux Français.