Article original rédigé par : Albin Wagener
Dès 1972, le sociologue Stanley Cohen a introduit le terme de panique morale pour décrire une réponse sociale souvent disproportionnée face à des comportements minoritaires jugés déviants. Aujourd’hui, cette dynamique est exacerbée par une extrême droite mobilisée, qui impulsent ces réactions dans les débats publics et les médias.
Cet été, des voix de l’extrême droite se sont élevées contre l’inclusivité de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Des médias comme CNews ont dénoncé ce qu’ils perçoivent comme une glorification du wokisme et ont fait valoir que cette représentation nuit à l’image de la France sur la scène internationale. Une autre polémique a émergé autour d’Imane Khelif, boxeuse algérienne, la cible de critiques d’ultraconservateurs, s’inspirant d’observations similaires faites par des figures comme JK Rowling ou Elon Musk.
L’utilité du « glitch »
Un récent travail d’Emily Apter permet d’explorer comment ces paniques morales s’enchaînent dans un substrat de discours haineux, souvent amplifié par des chaînes d’info en continu ou des réseaux sociaux comme X. Apter introduit le concept de « glitch », une discontinuité qui peut générer un fort impact médiatique. Ce concept est employé par divers mouvements sociaux, enrichissant ainsi leurs pratiques militantes. Par exemple, des activistes féministes ou écologiques ont su créer un véritable choc visuel, comme lors de l’action scandaleuse contre une œuvre de Van Gogh.
Cependant, ce type de perturbation est également exploité par l’extrême droite à travers des événements polémiques et des campagnes de désinformation, particulièrement à l’approche des élections de 2024, où les fausses informations circulent massivement sur les réseaux sociaux.
En France, la notion de wokisme continue d’alimenter des discussions vives, souvent associées à des politiques de dénomination comme l’« islamogauchisme », promue par des figures politiques à tendance néoconservatrice, rajoutant ainsi une couche à cette panique morale. C’est un phénomène qui ne concerne pas seulement des figures politiques ou médiatiques, mais qui infiltre également les réflexions ordinaires d’un grand nombre de citoyens.
Un traitement médiatique qui se racialise
Dans une étude approfondie menée par Ruari Shaw Sutherland, il est démontré que les informations sont de plus en plus « racialisées » dans notre société, cette tendance se révélant particulièrement dans des pays comme l’Angleterre, influencée par des figures controversées. Petit à petit, des médias tels que BFM TV adoptent une ligne plus réactive, éloignée des interrogations critiques portées par d’autres voix.
De Trump aux politiques de Bolsonaro, sans omettre les provocations d’Elon Musk, c’est une stratégie construite sur des émotions et des sentiments qui cherche à imposer des narrations souvent biaisées – dévalorisant ainsi les analyses rationnelles. La pandémie de Covid-19 a illustré ce phénomène lorsque des mesures cruciales ont été qualifiées de notions liberticides, montrant bien que les paniques morales s’établissent sur des fondements émotionnels plus que factuels.
Embraser
L’extrême droite a clairement identifié les sujets de société à polariser pour alimenter ses objectifs. À une époque où la violence verbale abonde, chaque débat peut devenir un champ de bataille. Elon Musk, avec ses récentes déclarations, ne fait qu’ajouter à cette instabilité en insistant sur un climate de division, que ce soit en Angleterre ou ailleurs.
Ces multiples exemples relèvent d’une volonté de normaliser la présence des discours d’extrême droite dans le débat public. Les thématiques qu’elle impulse se fondent sur des constructions imaginaires, et il semble que pour le moment, peu d’alternatives viables soient disponibles pour contrer cette tendance grandissante.
Notre point de vue
À travers les analyses précédentes, nous comprenons que le phénomène des paniques morales ne se limite pas à des réactions superficielles. Il désigne un mécanisme complexe où se mêlent rapports de pouvoir, croyances culturelles et manipulations médiatiques. Pour faire face à ces dynamiques à la fois médiatiques et politiques, il est impératif d’encourager un discours critique, d’élever la voix des minorités et de peaufiner notre compréhension des véritables enjeux sociétaux auxquels nous faisons face. Dans cette bataille pour l’espace public, chaque citoyen a un rôle à jouer pour restaurer un équilibre et promouvoir une vision pluraliste de la société.