Votre réélection à la présidence du Medef 35 le 2 décembre vient à un moment de forte instabilité politique. Quel regard portez-vous sur cette situation actuelle ?
Cette instabilité ambiante a des répercussions négatives sur l’économie. De la même manière que les ménages, les entreprises aspirent à un environnement stable. Où trouver cette stabilité aujourd’hui ? Dans le monde de l’entreprise, où les syndicats et le patronat parviennent à établir des accords. Récemment, deux accords ont été récemment ratifiés. En ces temps difficiles, c’est un aspect extrêmement encourageant.
Pensez-vous que cette incertitude nuit à la situation des entreprises ?
Il y a indéniablement des tensions croissantes. Les carnets de commandes se vident pour plusieurs entreprises. Dernièrement, un fabricant d’escaliers a rapporté une chute de 50 % de son activité depuis le mois d’octobre. Au tribunal de commerce de Rennes, le nombre de procédures collectives a augmenté de 25 %, soit 150 cas de plus par rapport à l’année précédente. Cependant, on note une augmentation de 70 % des démarches préventives au sein du tribunal, ce qui signifie qu’en adoptant cette approche, 85 % des entreprises s’en sortent.
Y a-t-il d’autres conséquences de cette situation sur les entreprises ?
Effectivement, nous assistons à un gel des investissements ainsi qu’à une suspension des recrutements. Il me faut confesser avoir moi-même mis en attente un projet d’investissement dans un bâtiment. Comme beaucoup d’autres, nous faisons face au dilemme de savoir si investir ne représenterait pas un risque pour l’entreprise et pour nos salariés. Nous préférons donc temporiser. Mais comme le vélo, lorsqu’on cesse de pédaler, on risque de perdre l’équilibre. Nous espérons donc pouvoir repartir rapidement.
Que souhaitez-vous voir se concrétiser aujourd’hui ? Un message clair ?
En demeurant neutre sur les questions politiques, il est manifeste que la censure gouvernementale a des effets délétères, engendrant une instabilité avec des répercussions sur l’économie. La confiance, bien que cela puisse sembler désuet, est essentielle. Si nos partenaires, institutions financières et investisseurs perdent confiance, nous en ressentirons les effets sur la croissance économique. Ainsi, nous appelons à une solide stabilité politique, espérant aussi que les politiques comprennent mieux les réalités économiques sur le terrain. Une dette publique atteignant 112 % du PIB, avec des prévisions du FMI à 124 % d’ici 2029, est préoccupante.
Il est crucial de stopper cette spirale d’endettement, de réformer et de retrouver la boussole économique que nous avons perdue.
Sur le court terme, avec la censure, les économies prévues dans le budget 2025 ne sont pas mises en avant. Cela vous satisfait-il ?
Nous avons travaillé sans relâche pour préserver un certain nombre d’allègements fiscaux car nous sommes fermement opposés à l’augmentation du coût du travail. Ce qu’il faut, c’est mettre un terme à l’endettement, engager des réformes et retrouver une boussole économique.
Quelles seront vos priorités pour votre nouveau mandat au Medef 35 ?
Ma principale priorité est de demeurer un acteur engagé et influent dans un environnement politique et économique en mutation. À cette fin, avec six autres Medef de France, nous mettrons en place, en 2025, un laboratoire de co-construction des politiques industrielles et logistiques en Ille-et-Vilaine, s’inspirant des initiatives lancées dans d’autres régions. L’objectif est de rassembler toutes les parties prenantes autour de la table : porteurs de projets, ONG, syndicats, acteurs politiques, riverains, et organisations professionnelles.
Quel sera l’intérêt de ce nouveau projet collaboratif ?
Nous partons du principe qu’en cas de nouveaux projets industriels ou logistiques, ce ne seront pas uniquement les aspects légaux et réglementaires qui garantiront leur acceptation. Il est essentiel de créer un espace de dialogue pour partager les craintes et y répondre de manière constructive, afin de progresser ensemble.
Quels autres projets comptez-vous mettre en œuvre durant votre mandat ?
Nous allons créer un observatoire de la fiscalité locale avec d’autres Medef bretons pour disposer de données fiables. Plusieurs questions cruciales affectent les entreprises, comme le versement mobilité, et il est temps d’établir des éclairages précis basés sur des chiffres concrets plutôt que sur des suppositions. De plus, nous visons à renforcer nos services d’assistance envers les entreprises en difficulté.
Notre point de vue
La situation actuelle soulève des inquiétudes légitimes concernant la pérennité des entreprises face à l’instabilité politique. Les voix qui réclament une meilleure écoute des réalités économiques devraient être prises en compte dans les discussions politiques. Pour contrer les effets de cette incertitude, il est essentiel que les décideurs intègrent les valeurs d’engagement et de dialogue au sein du processus économique, car la prospérité de notre tissu économique en dépend. Les initiatives de collaboration proposées par le Medef 35 pourraient être une voie prometteuse pour construire des ponts entre les acteurs privés et publics, favorisant ainsi une cohésion nécessaire pour naviguer dans ces temps tumultueux.