Le jeudi 5 décembre, Michel Barnier a déposé sa démission devant Emmanuel Macron. Cette décision est survenue peu après l’utilisation de l’article 49 alinéa 3, qui a conduit à la censure de son gouvernement par l’Assemblée nationale. Cette situation marque la première adoption d’une motion de censure depuis 1962, conjurant des souvenirs des temps où Georges Pompidou occupait Matignon. Pour éclairer ces éléments de droit constitutionnel, nous avons interrogé Elsa Kohlhauer, experte en droit public à l’Université de La Rochelle.

RCF : Comment fonctionne le 49.3, souvent évoqué depuis 1958 ?

Elsa Kohlhauer : L’article 49 alinéa 3 de notre Constitution est une composante de l’article 49, qui offre diverses voies à l’Assemblée nationale pour remettre en question la responsabilité politique d’un gouvernement. Pour qu’une motion de censure soit déposée, un texte précisant les motifs de cette demande est nécessaire, et il doit recueillir l’adhésion de la majorité absolue des membres de l’Assemblée. En vertu de l’article 50, l’adoption d’une telle motion entraîne la démission automatique du gouvernement.

L’usage du 49.3 soulève des enjeux en termes de responsabilité politique, bien qu’il vise à faciliter l’adoption d’une loi malgré l’absence de soutien majoritaire. En effet, cela permet au Premier ministre de poser la question de la confiance en son gouvernement sans avoir nécessairement une majorité en faveur de sa législation, mais sans pour autant en avoir une contre lui. Ce mécanisme a toujours permis de contourner les difficultés rencontrées lors du parcours législatif.

Introduit en 1958, le 49.3 était alors adaptable à toutes les situations législatives. Cependant, son utilisation a été restreinte en 2008, n’étant désormais applicable qu’à une loi par session parlementaire, bien que les lois de finance et de financement de la Sécurité sociale bénéficient d’une exception.

Quelles sont les étapes suivantes après la démission du gouvernement ?

Emmanuel Macron est désormais contraint d’accepter la démission de Michel Barnier. Cela n’exclut pas la possibilité de le nommer à nouveau, tout en constituant un nouveau cabinet. Ce scénario rappelle la démarche de Charles de Gaulle en 1962, qui a réaffirmé Georges Pompidou à son poste après des élections législatives anticipées.

L’article 8 de la Constitution permet au Président de nommer le Premier ministre à sa convenance. Emmanuel Macron a démontré cette latitude en été dernier, et même si le gouvernement Barnier est techniquement démissionnaire, il continuera ses fonctions jusqu’à une éventuelle transition.

Ce contexte crée une zone d’incertitude, redonnant les rênes au Président, qui devra probablement consulter les principaux partis pour déterminer un nouveau chef de cabinet. Bien que le cadre légal existe, le choix final d’Emmanuel Macron est difficile à prévoir, lui qui a surpris de nombreuses fois depuis début juin.

Les appels à la démission du Président, qu’en dit la Constitution ?

La Constitution offre un cadre plutôt léger sur ce sujet. Le Président peut choisir de clore ses fonctions, comme l’a fait de Gaulle en 1969, sans obligation légale. Les voix qui demandent une démission espèrent généralement la tenue d’une élection présidentielle anticipée.

Chaque parti politique porte ses propres ambitions sur le candidat le mieux positionné pour l’élection, mais tout repose sur la volonté du Président. La seule exigence constitutionnelle est qu’une démission entraîne l’organisation d’élections dans un délai de 20 à 35 jours. Le pouvoir décisionnel demeure ainsi entre les mains de l’actuel Président, avec toutes les incertitudes que cela implique.

Notre point de vue

La situation politique actuelle souligne l’intrincité des mécanismes institutionnels en France, et soulève des questions sur la pérennité de la démocratie représentative au sein de notre système. La multiplication des motions de censure et l’usage du 49.3, bien que constitutionnel, interpellent sur la capacité des gouvernements à gouverner efficacement sans le soutien d’une majorité. Au-delà des débats législatifs, il est essentiel d’examiner dans quelle mesure ces pratiques façonnent notre vivier politique et refont les attentes des citoyens vis-à-vis de leurs représentants. L’engagement des partis à dialoguer et à trouver un consensus sera sans doute déterminant pour l’avenir de l’exécutif, mais également pour la solidité de la confiance citoyenne dans leurs institutions.



Votez pour cet post

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *