Cet article est un article du dossier Réflexions autour du déraillement du 21 octobre 2016 à Eseka au Cameroun
Dans des situations de catastrophes généralisées plus ou moins mineures, parce que c’est la plupart des individus de la cité qui sont touchés et concernés, nous citoyens avons toujours le reflexe de nous constituer en groupe opposé à l’État et, accessoirement, aux opérateurs privés.
Très tôt ce 21 Octobre 2016 matin on apprend l’effondrement d’une bonne partie de la route reliant les deux cités principales du Cameroun. La situation est grave car la majeure partie de l’activité économique et sociale est paralysée. Cette route sert de corridor de transit pour le transport des marchandises vers la plupart des pays de la sous-région. Elle est encore plus grave parce que c’est le week end : une bonne partie des Camerounais vivant à Douala ou à Yaoundé ont programmé des voyages entre les deux villes pour diverses raisons (repos, deuil, visite…)
Bien qu’elle nous affecte tous, pour comprendre ce qu’il s’est passé la situation doit être analysée sans passion. Les agences de voyages par route avaient annulé les voyages dans les deux grandes villes affectées. La compagnie ferroviaire, en ses gares de Douala et Yaoundé, s’est trouvée assaillie par des milliers de passagers exigeant d’avoir une place pour le départ suivant.
Des milliers de Camerounais ont été parqués comme du bétail par ce qu’ils souhaitaient satisfaire à leurs urgences. Entre 9h et 10h, alors que le train en provenance de Douala arrive à peine à Yaoundé, une rumeur est lancée par certains acteurs de réseaux sociaux sur WhatSapp, Facebook et Twitter : un train de la Camrail a déraillé. La déclaration est appuyée d’une photo, mais il s’agit d’une photo d’un déraillement ayant eu lieu il y a bien longtemps. Ces internautes (bien ? mal ?) inspirés se sont prêtés sans le savoir au jeu de l’anticipation du drame.
Conversation WhatSapp sur entre amis camerounais. Il est neuf heures et un des membres du groupe lance la rumeur. Si la photo est fausse, le lieu du déraillement est celui de la catastrophe.
La photo employée pour alimenter le canular qui a été lancé des internautes autour de 09h ce 21 octobre, bien avant le départ du train de Yaoundé.
Grâce à l’effet boule de neige des réseaux sociaux, la rumeur enfle, gonfle. Des arguments et des lieux sont créés pour l’agrémenter. C’est dans ce contexte « réseau social » que le train part de gare autour de 11h en direction de Douala. La rumeur parvient aux oreilles des responsables de la Camrail et du Ministre des Transport. Du côté de la Camrail, la cellule de communication fait ce qu’il y a à faire. Pour ne pas laisser libre cours à un vent de panique, elle rassure les usagers par un communiqué sur son compte Facebook. Le minsitre des Transports quant à lui profite du journal de treize heures sur la CRTV (chaîne de télévision nationale) pour démentir cette rumeur. Il fai appel au sens des responsabilités des Camerounais. Quelques minutes plus tard, le drame se produit effectivement.
Le démenti de la Camrail avant le déraillement
Selon la Camrail et RFI, le drame se produit bien après le démenti du Ministre des transports au 13h.
Les photos fusent de toutes parts, certaines « light » et d’autres gores. Dans le drame et la confusion, il se dit que pour fuir leurs responsabilités, le ministre des Transports et la Camrail ont cherché à « cacher l’information selon laquelle le train a déraillé ». C’est la version qui prévaut dans le mental collectif camerounais.
Les vraies photos du drame, on remarque bien la date et l’heure sur les photos.
Je ne suis pas un technicien je ne saurais analyser les risques pris par la Camrail qui auraient mené au drame. Tout ce que je dis, c’est que dans cette histoire :
1. Ce sont des citoyens camerounais qui ont dessiné le diable sur le mur en lançant cette folle rumeur qui ne s’est pas faite prier pour se matérialiser
2. Ce sont encore des citoyens Camerounais qui n’ont pas daigné annuler pour certains des voyages triviaux, poussant ainsi la Camrail à la faute de surcharge.
Des passagers acceptant la surcharge à eux imposée par la Camrail, ou alors passagers jouissant de la surcharge à laquelle ils ont poussé la Camrail ?
Responsabilité partagée entre les citoyens camerounais, les autorités publiques et les opérateurs privés, comme dans tous les cas de figures des dysfonctionnements politiques, économiques et sociaux observés dans notre pays le Cameroun. C’est ce que je retiens de la suite des évènements.
Au moment où je rédige cet article, je découvre qu’une autre rumeur a été lancée à propos d’un avion qui aurait fait un accident avec en illustration une photo. Le démenti du gouverneur de la région de l’Ouest ne s’est pas fait attendre. Le moins que l’on puisse prédire c’est que la prochaine sortie du ministre de la Communication ne sera pas brève.
Photo : Le Vif
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