Marie Lambrinos
Publié le
Le restaurant vietnamien niché au rond-point du Goëlo à Paimpol (Côtes-d’Armor) a fermé ses portes le dimanche 5 janvier 2025. Après 35 ans de passion et de dévouement à son établissement, Van Dong Nguyen, âgé de 61 ans, prend sa retraite, ayant dirigé son restaurant avec son épouse depuis 1989.
Une institution locale
Son établissement jouissait d’un emplacement de choix, sur un axe à fort passage, au rond-point du Goëlo, aux portes de cette commune pittoresque.
Nous avons commencé dans un petit local, rue Saint-Vincent, en 1987. À l’époque, c’était un bail précaire pour 23 mois. Quand j’ai eu la chance de m’installer dans un espace plus vaste en 1989, je n’ai pas hésité, et c’était la décision juste.
Un service quotidien
Van Dong évoque avec une dose d’humour qu’à l’époque, le rond-point n’existait pas encore, et que la rue s’arrêtait juste devant son établissement, alors que la ligne de chemin de fer était encore opérationnelle.
Durant toutes ces années, il a ravi les habitants de Paimpol et des alentours avec ses spécialités vietnamiennes et chinoises.
Nous étions ouverts tous les jours, accueillant à la fois nos habitués et les touristes durant la haute saison. Désormais, nous allons savourer notre retraite, voyager et nous consacrer à notre famille. C’est à travers le contact avec la clientèle que j’ai appris le français.
Bien qu’il ait reçu plusieurs offres pour la reprise de son établissement, il reste discret quant à l’avenir de ce lieu emblématique.
Van Dong a pris la décision de vendre l’ensemble de son mobilier et de sa décoration, comprenant de magnifiques tableaux en laque d’origine vietnamienne et des lustres.
Un parcours inspirant
Originaire de Saïgon et dernier d’une fratrie de sept enfants, Van Dong Nguyen a 18 ans quand sa mère, désireuse de le protéger des soubresauts de la guerre, prend une décision audacieuse.
Elle souhaitait me soustraire au service militaire obligatoire. Elle m’a donc placé dans un bateau à destination des Philippines. Je me souviens de ce jour précis : le 23 octobre 1982. Nous étions 35 à bord d’un petit navire qui traversait la mer de Chine. Notre survie fut possible grâce à un cargo paimpolais, dont le nom, Goëlo, était particulièrement symbolique.
Ce cargo de l’Agence maritime de l’Ouest avait été transformé en navire-hôpital pour aider les « Boat-people ».
Un témoignage vivant
Après six mois passés dans un camp de réfugiés aux Philippines, géré par la Croix-Rouge, j’ai eu l’opportunité de partir vers un autre pays. Plusieurs personnes ont choisi l’Amérique ou l’Allemagne. Mais pour moi, c’était la France, le pays qui m’a sauvé.
Avec ses papiers de réfugié, il a contracté un prêt de la Croix-Rouge pour financer son billet vers la France, en 1982, qu’il s’est engagé à rembourser dès qu’il en aurait les moyens.
« Je peux comprendre le déchirement que cela a dû être pour ma mère, mais sans elle, je ne serais pas là aujourd’hui. Elle m’a sauvé la vie. »
De Paris à Paimpol
En 1983, il arrive à Paris et commence son apprentissage en cuisine. Il travaille dans un restaurant à Rennes, puis à Morlaix, où il rencontre celle qui deviendra sa femme.
Au fil des années, il affine ses talents dans divers établissements à Quimper avant qu’un ami ne lui suggère de s’installer à Paimpol.
Le reste de l’histoire est bien connu.
Notre point de vue
La fermeture de cet établissement emblématique rappelle la valeur et l’importance des histoires de vie de ceux qui ont fait le choix de s’installer en France. Le parcours de Van Dong Nguyen illustre non seulement la richesse interculturelle que les immigrants apportent, mais également les défis auxquels ils sont confrontés. Alors que les enseignes se succèdent, il est essentiel de préserver et de valoriser ces récits qui participent à notre identité collective. Ce témoignage vibrant nous invite à réfléchir sur notre rapport à l’hospitalité et à notre responsabilité envers ceux qui, comme Van Dong, ont contribué par leur travail à enrichir nos territoires.