18 mars 2024
International

Où va le Cameroun ?

Yaounde Cameroun

7 minutes approx.

Depuis quelques mois, le Cameroun, mon beau pays vit des moments difficiles, plus précisément depuis Octobre 2016. Une partie du pays, en l’occurrence les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, a sombré dans la colère face aux nombreuses brimades reçues depuis des décennies. Pour le dire de façon simple, quelque soit ce qu’on pense réellement de la forme de l’insurrection, le Cameroun anglophone a eu l’audace que voudrait avoir Cameroun tout entier.

Les dirigeants bien-pensants et maniaques de contrôle ne s’y sont pas trompés. Ils ont senti le soufre, et les réponses ont été violentes. Ainsi, une grève estudiantine a été réprimée dans la terreur. Le spectre des “villes mortes” a recouvert le Sud-Ouest et le Nord-Ouest. De plus, l’éducation scolaire a été le théâtre le plus grand de la manifestation de l’insatisfaction. Les cours ont été interrompus dès la mi-octobre et n’avaient toujours pas repris en Janvier, soit près de deux mois d’arrêt. Aujourd’hui, les cours auraient repris mais  le mal a déjà largement été fait.

Toutefois, les dirigeants ne s’y sont pas trompés. Ils ont vu rouge. Ils ont supposé une attaque à leur stabilité. Ils ont évalué une éventuelle perte de contrôle. Enfin, ils ont identifié un potentiel de réplique ailleurs dans le pays. Les mesures, les actions, les initiatives ont été nombreuses pour tenter de noyer le poisson. Lorsqu’il a été bien admis que tout cela ne servirait à rien, on est passé à la phase répressive:

  • Arrestation des meneurs des mouvements et de menu fretin (manifestants présumés, assaillants présumés, étudiants, etc.), et convocations au tribunal militaire. Les procès sont en ce moment ouverts.
  • Coupure de l’accès à internet: 69 jours que dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, il n’y a juste pas d’internet. Incroyable mais vrai. À titre de rappel quand même, #BRINGBACKOURINTERNET. Cela n’est-il pas excessif ?

Eh oui! On est passé à la phase répressive et je dirais que les hauts dirigeants ont assumé ce qu’ils étaient pour la plupart: des personnes qui ont peur. Peur du changement, peur de voir leurs acquis disparaître, peur de ne plus pouvoir contrôler les choses. Cependant, je pense qu’une petite voix devrait leur souffler que la peur est de nos émotions humaines, l’une de nos plus mauvaises conseillères dans l’action. C’est simple, lorsqu’on a peur on fait tout mal, et surtout, on exagère.

La semaine qui s’achève, m’a prouvé si j’en doutais encore que nos dirigeants étaient réellement habités par la peur, une peur malsaine, irréfléchie et de ce fait potentiellement dangereuse pour notre bien-être à tous. Ainsi, j’ai eu la triste nouvelle de la convocation de Maitre Akere Muna, au Secrétariat d’Etat à la Défense. Véritable camp militaire, il est considéré par beaucoup comme l’anti-chambre de la mort. Il est vulgairement connu sous ses initiales, le SED, un endroit peu gai, je peux vous l’assurer.

Pour référence, Maitre Akere Muna, est un avocat Camerounais reconnu internationalement. Il a été a la tête de l’ordre des avocats de 1997 à 2002. Il a été vice-président de Transparency International. Il est reconnu pour sa tempérance, son objectivité, son sérieux. C’est un acteur majeur de la société civile, un citoyen actif. C’est un homme qui a toute la trempe d’un potentiel président de la République, mais qui a très bien compris la nuance entre société civile et politique. Cet homme, que dirais-je cette icône serait accusée de terrorisme, de sécession et que sais-je d’autres encore pour avoir donné son avis sur la crise anglophone dans un Journal ? Lui reprocherait-on d’avoir choisi en tant qu’avocat (son métier) d’assurer la défense des membres du Consortium ?

En somme, la petite main qui vous écrit ici pourrait se voir convoquer au SED pour avoir écrit ce que j’ai écrit plus haut ? En est-on arrivé là ? Ma cerveau bloque depuis que j’ai appris cette nouvelle et je ne pouvais au final qu’écrire dessus. Maître MUNA a été entendu et libéré mais le simple principe de la convocation a de quoi effrayer et inquiéter (son communiqué officiel sur la question ici). Pis encore, un célèbre journaliste sportif, d’origine anglophone (comme si cela devrait être une origine) a été lui aussi convoqué au SED demain 28 mars à 9 heures précises (tel que mentionné avec insistance sur le courrier de convocation). Qu’aurait-il pu dire ou faire autour de cette crise qui nécessiterait une convocation de cet ordre?

Il n’y a pas de doute que le respect de la liberté d’expression n’a jamais été le fort de nos dirigeants. Il y a encore moins de doute qu’ils aient un jour voulu comprendre ou appliquer le sens du mot “démocratie”. Ce dernier mot à mon sens, ne serait même d’ailleurs être le problème. En effet, il y a tout sauf une forme de gouvernement valide pour développer un pays. Cependant, l’hypocrisie abyssale de ces personnes qui nous dirigent est tout de même à observer avec grande tristesse.

Hypocrisie car de nos jours, le mot dictature ne fait pas bon genre. Démocratie c’est le mot à la mode et nos dirigeants veulent être à la mode. Mais que sert-il donc d’être à la mode si on est totalement incapable d’exécuter ne serait ce qu’un centième du concept à la mode ? Que sert-il d’être à la mode, lorsqu’on est capable de couper pendant 69 jours à deux régions du pays l’accès aux hautes technologies, au savoir, au monde ? Quel intérêt d’être à la mode si être un membre actif de la société civile ou un journaliste de renom sont des tares du moment qu’on donne son avis sur ce qui dérange?

Serait-il possible de rappeler à nos dirigeants que tout ceci ne serait pas arrivé s’ils avaient su se montrer un peu moins égoïstes ? Est-il possible de souligner à ces êtres humains qui nous dirigent qu’ils sont avant tout des êtres humains et ne pourront jamais se substituer à Dieu ?  Y-a t-il une possibilité de leur faire comprendre que le mauvais cœur ne paie pas comme on dit chez nous ?

On ne peut pas prendre sans jamais rien donner. On ne peut pas écraser sans jamais laisser respirer. On ne peut pas vouloir tout pour soi et rien pour les autres. Oui, on ne peut pas faire cela à plus de 22 millions de personnes, ne même pas être 2000 et penser que la roue ne tournera jamais.

La crise du Cameroun Anglophone et les réactions saugrenues qu’elle provoque chez nos dirigeants depuis quelques mois sont le signe que le Cameroun file un très mauvais coton. J’avais déjà dit en 2014, que mon pays allait mal. Je le redis encore, le Cameroun va mal.

Il est temps que cela cesse et ce petit billet est un appel à nous tous, en particulier  à tous ceux qui ont fermé les yeux en se disant, “je ne suis pas Anglophone, moi quoi ?”. À tous ceux qui ont pensé à Eseka un moment puis ont oublié. À ces personnes qui gravitent autour de nos dirigeants et profitent à fond du système pour écraser eux aussi ceux qui sont en-dessous d’eux. À tous ceux qui font comme si tout va bien, il est temps de nous réveiller.

Ce n’est pas un appel à la révolution. Les armes à mon avis sont la solution des faibles. Nous sommes forts, nous sommes volontaires. Nous voulons d’un autre pays pour nos enfants, commençons à ouvrir les yeux. Comment ? Je ne sais pas, je n’ai pas de réponse toute faite. Ma première action : écrire ici. Ma deuxième action : avoir ma carte d’électeur dans ma poche. Cela suffira t-il, certainement pas, mais il faut bien commencer quelque part !

Photo : RFI

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