La transition vers une alimentation plus respectueuse de l’environnement prend de l’ampleur depuis une décennie. Ce mouvement prône notamment l’augmentation de la consommation de légumes et la diminution de celle des produits d’origine animale. Cependant, pour beaucoup, cela nécessite un changement significatif de leurs habitudes alimentaires. En 2023, une enquête révèle qu’en France, seulement 15 % de la population se considère flexitarienne, tandis que 4 % suivent un régime végétarien et 3 % un régime végan.
Pour accompagner cette transformation alimentaire, il est essentiel d’adopter une approche progressive et réfléchie. Plutôt que d’imposer un produit entièrement végétal qui pourrait ne pas séduire, nous optons pour une combinaison de produits d’origine animale et végétale. Ainsi, nous allions le lait de vache à une légumineuse, le lupin, en diverses proportions. Riche en protéines (environ 40 g de protéines pour 100 g de farine), le lupin possède une composition nutritionnelle proche de celle du soja et est cultivé en France. Il est habituellement dégusté en apéritif sous forme de « pickles » ou incorporé en farine dans des viennoiseries.
Cette alliance permet d’optimiser les apports nutritionnels tout en proposant des saveurs et des textures appréciées. Pour enrichir la santé, nous avons opté pour la fermentation de ce mélange lait-lupin. Les protéines sont extraites de la farine de lupin par des bactéries lactiques, ce qui nous ancre dans le précieux univers des produits laitiers fermentés, tels que les boissons et les yaourts, qui représentent un quart de notre apport protéique quotidien.
Une nouvelle approche en fermentation
Les bactéries lactiques, bien connues pour catalyser la fermentation du lait et produire une variété de produits laitiers comme le kéfir, les yaourts et les fromages, sont essentielles dans ce processus.Grâce aux recherches menées, nous avons acquis une compréhension approfondie de leur capacité à transformer les composants du lait — sucres, protéines, et matières grasses — en produit final savoureux et nutritif.
Cependant, la fermentation des légumineuses diffère, car les bactéries lactiques classiques ne peuvent pas utiliser les sucres spécifiques qu’elles contiennent. Ces derniers, comme les alpha-galacto-oligosaccharides, peuvent provoquer des inconforts digestifs. Afin de surmonter ce défi, il a fallu sélectionner de nouvelles souches de bactéries lactiques capables de dégrader les sucres et d’hydrolyser les protéines des légumineuses.
Pour cela, nous avons développé une méthode de sélection de ces nouvelles souches, certaines étant capables de métaboliser les sucres, d’autres les protéines, afin de combiner leurs atouts dans un produit final innovant.
Végétaliser le lait
Nous avons ainsi fusionné des souches de fermentation adaptées au lait et au lupin, afin de créer un produit analogique au yaourt traditionnel. En intégrant du lupin au lait, l’objectif est de donner naissance à une alternative végétale attrayante.
Le processus de fabrication du yaourt, qui se base sur l’ajout de bactéries lactiques dans le lait, se prête idéalement à cette nouvelle formule. La fermentation, qui s’opère à des températures optimales, transforme le lait en un gel acide en quelques heures. De plus, la poudre de lait, constituée de protéines de lait séchées, est souvent incorporée pour améliorer la texture, permettant d’ajouter également des protéines de lupin lors de la phase de préparation.
Nos mélanges lait-lupin, contenant environ un tiers de protéines de lupin, sont perçus comme agréables au goût. Toutefois, nous avons constaté que dépasser 50 % de protéines de lupin altérait l’expérience sensorielle en introduisant des notes désagréables. Ainsi, bien que le pourcentage de plantes soit significatif, il convient d’informer les consommateurs des vertus de cette innovation.
Les produits laitiers fermentés à base de mélanges de lait et de végétaux représentent non seulement une nouvelle catégorie, mais également une belle opportunité pour diversifier notre offre alimentaire. En explorant d’autres associations, ainsi que l’incorporation éventuelle de bénéfices probiotiques, nous pouvons contribuer à une évolution positive des habitudes alimentaires.
Article original rédigé par : Valérie Gagnaire
Notre point de vue
À l’heure où la santé et la durabilité alimentaire sont au cœur des débats, la recherche et l’innovation autour de nouvelles alternatives alimentaires sont cruciales. L’approche tendant à associer les ingrédients d’origine animale et végétale pourrait non seulement faciliter la transition vers des régimes plus équilibrés, mais aussi éveiller les consciences sur les pratiques de consommation. Le potentiel de diversification des produits alimentaires fermentés s’inscrit dans un mouvement plus vaste vers une alimentation respectueuse de l’environnement. Il est essentiel d’engager une discussion transparente sur les bénéfices nutritionnels de ces innovations, afin de convaincre les consommateurs d’adopter des choix alimentaires éclairés.